« Le FabLab pourrait devenir une nurserie à robots, pour s’en occuper et les faire grandir… »

juin 08, 13

Entretien avec Marc à la Forge des Possibles 

Dessins par Aline
Entretien réalisé par Camille

Qui es-tu ?

Je suis autodidacte, je n’ai jamais pris un cours d’informatique ou d’électronique. J’ai juste fait beaucoup de maths et j’ai beaucoup appris en échangeant avec des gens. L’intérêt au FabLab c’est d’échanger, sinon on tourne en rond sur ce qu’on fait. Je n’ai pas fait d’école d’ingénieur, j’ai fait une école de commerce et j’aime pas le commerce. C’était juste pour avoir bac+5 ! Par contre je suis arrivé 3e au concours général de mathématiques. 

D’où viens-tu ?

Je suis originaire des Sables d’Olonnes, j’ai vécu 20 ans à Paris où j’ai travaillé dans le design pour la place Vendôme, pour des bijoux. C’était pour concevoir des genre de pièces articulées avec des roulements à bille en or, des plateaux de diamants qui tournent mécaniquement… C’était des pièces très compliquées. J’ai réalisé une pièce par exemple pour Madonna : quand elle appuyait sur un petit bouton, elle pouvait ouvrir sa bague avec un système minuscule. J’ai fait aussi un bracelet en or articulé qui pouvait s’enrouler autour du poignet et qui se déroulait entièrement quand on le passait sous l’eau froide, un collier pour une princesse russe avec des fleurs en diamants qui s’ouvraient et se refermaient… 
Je suis rentré dans le milieu de la fabrication non pas par l’aspect artistique mais par l’aspect technique puisque j’ai été l’initiateur de l’utilisation de nombreuses machines de prototypage en France en joaillerie. Avant, on faisait tout à la main…

Mais mon premier amour, c’est l’automatisation ! Je suis donc devenu ensuite prestataire en robotique. J’ai créé ma boîte DDAO, De l’idée à l’objet. Des artistes ou des industriels peuvent avoir un besoin, un projet, robotique, résine, bois, métal, avions qui volent… J’y réponds. Je fais par exemple des avions qui volent tous seuls, combinés avec une interface Googlemap. 

J’ai travaillé aussi pour le GIGN, pour les douanes, pour Areva sur Fukushima… sur des projets confidentiels sous brevets. Mais en fait tous mes petits robots que je fais pour le fun me permettent de montrer ce que je sais faire, des choses très pointues qui font parties de projets brevetés. Je fais donc d’autres robots qui s’en rapprochent : robot à bascule qui tient son équilibre tout seul, multiplexage de LEDs… J’ai fait une boîte qui  intégre un réseau de LEDs et selon celles que j’allume je peux faire des dessins en 3D dans un espace de 8 pixels de côtés. Ce n’est pas moi qui l’ai conçu, j’ai vu ça sur internet et j’ai repris et refait le circuit et le programme.

Ça sert à quoi ?

Ah mais c’est ça qui est magique ! Ça ne sert à rien, juste à dire : je sais faire. C’est vraiment ça. Là en fait sur un objet comme ça je gère 512 LEDs avec une toute petite barette, et je contrôle l’ensemble avec Arduino. Ça c’était mon premier projet. Après, il y a eu les autres. 

Pourquoi viens-tu au FabLab ?

Je suis au FabLab parce que je trouve l’opportunité de passer un peu moins pour un extra-terrestre en discutant avec des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que moi. Parce que sinon, quand on me demande ce que je fais de mon temps libre, peu de gens comprennent. 
Mais chez moi j’ai un atelier aussi et j’ai même une fraiseuse 4 axes numérique.

Pourquoi tu as ça ?

Certains s’achètent une voiture, moi j’achète des machines. J’ai de quoi faire mes propres circuits imprimés, mes pièces avec ma fraiseuse, j’ai une Makerbot, j’ai un scanner 3D qui fonctionne par palpation, j’ai une pompe à vide pour faire des projections sous vide, de quoi fabriquer de pièces en résine, j’ai une cabine de peinture…

 

Comment tu as connu les FabLabs ?

Je suis le mouvement international depuis 20 ans. Enfin, c’était pas les FabLabs mais il y avait déjà des forums de Makers. Moi j’étais juste hobbyiste, de mon côté. Après j’ai pu avoir toute ma carrière. Mais j’étais uniquement sur les forums. J’ai fait des automates… Ici je retourne vraiment à ce que j’aime faire : les robots, la conception mécanique. Moi j’ai jamais été créateur, mais j’aime trouver des solutions aux problèmes.

 

 Sur une araignée comme ça tu n’imagines pas le temps pour travailler la position des pattes. Au moins un mois, mais c’est ce qui fait la valeur aussi. Mais je bloque plus vite sur les préoccupations esthétiques, moi, je préfère la fonction pure. Pour Fukushima j’ai travaillé sur des bras qu’on a monté sur des robots mobiles. qui devaient résister aux charges nucléaires. Pour les douanes, un quadricoptère avec vision thermique, comme dans les films. J’ai tous les proto chez moi. 

Comment tu réinvestis tout ça ici ?

Déjà en amenant tous mes robots, mes protos pas aboutis. L’hexapode par exemple, avec l’idée ici de se servir de mes projets pour lancer quelques autres idées ici. On peut se rassembler à plusieurs autour et se dire « alors, qu’est-ce qu’on fait ? » avec des gens de tout niveaux et de tous secteurs : design, programmation… Je fournis le modèle et je coordonne tout ça, d’une certaine manière. 

Finalement sur ces projets, tu connais la fin, tu connais les solutions mais tu ne dis pas tout tout de suite ?

Non, je ne connais pas tout ! Quand tu penses à un projet comme celui-là tu te rends compte que chaque étape précisément t’amène à croiser plein de choses que tu n’avais pas prévues. Ce qui change aussi ici c’est que ce que j’utilise des servo moteurs à 2€ avec des inconvénients là où mon proto professionnel je le fais avec des moteurs à 2000€ avec des paramètres qu’on peut régler comme on veut. Il y a une nouvelle contrainte qui rajoute du challenge. Les servo moteurs ont une vitesse fixe, il faut faire des calculs pour les synchroniser. Sur l’hexapode il faut rajouter des capteurs pour savoir quand les pattes touchent le sol là où dans mes proto pro la mesure de consommation de courant suffisait à me l’indiquer. En programmation ça fait du travail en plus. Mais j’aime ça !

Personnellement tu as l’impression que ça t’apporte des choses de venir ici ?

Pas plus tard que jeudi dernier il y a un magicien qui est venu ici pour faire un tour avec un ours articulé et quand je lui ai montré mon hexapode il a tout de suite dit qu’on pourrait peut-être imaginer quelque chose pour un tour. Quelque chose qui pourrait bouger en fonction de ce qu’on lui met devant les yeux… 

Mais ce n’est pas vraiment de la magie…! Il y a une technique complexe derrière.
Qu’est-ce qui te plaît à toi ici ?

De toute manière c’est jamais de la magie, il y a toujours un truc technique ! Ah moi j’adore les choses interactives.
Là, on a des machines mais la plupart des gens ne voient pas quoi faire avec. Pareil avec Arduino, il y a un seuil entre apprendre à bouger un feu tricolore et s’imaginer qu’on peut faire ça avec la même plate-forme. Quand j’en étais au feu tricolore, si on m’avait dit que je pouvais faire ça ensuite j’aurais appris vachement plus vite le feu tricolore, j’aurais été motivé. Je veux donner cette envie aux autres, contourner les problèmes, ne pas se dire « je sais pas faire ». À plusieurs, on y va plus facilement. 

Pour l’instant ici c’est beaucoup d’initiation. Mais il faut des gros projets pour attirer les gens qui sont compétents, qu’il y en ait un qui initite le truc pour donner envie. Moi je me suis proposé d’être un peu cette force-là, mes projets font la démonstration. On ne peut pas savoir comment ça va évoluer : si ça se trouve, le type à qui j’ai expliqué un truc ce matin et qui n’y connaissait rien au début peut-être qu’à la fin de l’année ce sera lui qui m’expliquera quelque chose, parce qu’il aura travaillé sur ses propres projets… Ce n’est pas parce que quelqu’un débute qu’il n’a rien à t’apprendre. Des fois, on oublie aussi les choses essentielles du début. Je cherche à échanger avec tout le monde.

Et quel rôle a le FabLab dans cette initiation collective ?

Même si beaucoup de la programmation peut se faire seul chez soi, le FabLab peut être un point central où on peut se retrouver, stocker. Le FabLab est un bon point de chute. L’idée pourrait être que le FabLab ait un coin nurserie à robots, nurserie à projets. J’en ai parlé avec Emmanuelle. Ils attendent, on s’occupe d’eux, on les fait grandir… Et en même temps ça expose ! D’autres personnes pourraient venir voir. Ce serait à la fois une vitrine et une couveuse. 

2 Commentaires

  1. Gino /

    Travailler sur des projets avec Marc, c’est absolument fantastique ! Étant stagiaire à la Forge, j’ai pu le côtoyer et j’ai appris énormément de choses, aussi bien sur lui que sur le monde de la mécanique, l’informatique, l’électronique et j’en passe !
    Cette notion de partage qui s’exprime au Fablab est essentiel, on regarde, on se pose des questions, on pose ces questions et on essaye d’y répondre tous ensemble. Et quand on voit le palmarès de Marc, on est sur d’apprendre à chaque rencontre.
    De nombreux projets ont été créés, sont en développement et cela ne concerne pas forcément que le monde de la robotique. Il y a tellement de projets possibles et dans tout les secteurs !
    Il ne faut plus hésiter, créons ensemble !

  2. J’ai adoré lire ce petit topo sur Marc que j’ai rencontré deux ou trois fois (passionnant).
    Les dessins sont superbes, quel coup de crayon…
    J’ai hâte de retourner au fablab, étant en vacances bientôt.
    J’ai besoin de progresser sur arduino. J’aimerais bien voir les possibilités d’interfaçage avec grasshopper avec le module firefly.
    Bonjour à tout le monde et à bientôt.
    Yannick

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